Accès :
Sortir de St-Renan par la route de Plouarzel ( D5 ) et en arrivant à Plouarzel tourner à droite au rond-point en direction de Lampaul-Plouarzel. Traverser cette commune et à la fourche, prendre à gauche vers Porspaul, le port de la commune. En arrivant, prendre la petite route à droite se dirigeant en biais vers le terrain de camping et la pointe de Beg ar Vir. Stationner près du second virage. Deux fours à goémon sont signalés par des pieux de bois.
Au sud de la route, tout près du port, un premier four émerge de la rare végétation dunaire. |
En face, vers le nord, l'extrémité d'un second four commence à être dégradée par l'érosion marine qui fait reculer le rivage. |
Ces tranchées dont le fond et les parois sont garnis de pierres plates ont été creusées dans la dune voici plus d'une centaine d'années par des goémoniers. A cette époque, comme aujourd'hui encore à Lanildut, l'activité goémonière qui consistait à récolter les grandes algues, le « tali », générait une ressource importante sur tout le littoral du Pays d'Iroise. Mais elle se présentait différemment 1.
Déchargement du « tali » de la Marie-Pierre dans l'anse du C'hloc'h à Porspoder.
Huile sur toile de Jean-Marie Couillard. © coll. particulière.
Yves Colin, futur inventeur du « scoubidou », est debout dans la charrette
et vide la cargaison à l'aide d'un croc.
Son père François est resté dans le bateau avec le jeune Didier Bellec.
On distingue au loin les fumées blanches des fours à goémon en activité.
Les longues algues laminaires qui caractérisent la végétation sous-marine de la mer d'Iroise ainsi que les fucus proliférant sur les rochers étaient coupés à l'aide d'une faucille prolongée d'un long manche et ramenés à la côte (
voir la page de ce site consacrée à ces algues ).
Ces algues étaient mises en meules en attendant qu'on les étale au sol afin de les sécher au vent et au soleil.
Sur cette carte postale des années 1910, les bateaux goémoniers attendent la marée haute pour accéder à l'arrière-port du Conquet où ils seront déchargés. © coll. JP.Clochon |
Là, les algues de la meule sont étalées sur la grève auprès du four où elles vont être brûlées lorsqu'elles seront sèches. © coll. JP.Clochon |
© coll. JP.Clochon
Démonstration de brûlage du « tali » au Forum de l'Algue de Lanildut en août 2015.
Lorsqu'elles étaient enfin sèches, les algues étaient disposées dans le four sur un lit de branchages enflammés. Une fumée blanche et âcre, qui piquait les yeux et la gorge, envahissait alors tout l'espace. Certains jours de grand soleil, c'est de toute la côte et des îles de l'archipel que se dégageaient ainsi des nuages blanchâtres signalant un peu partout une opération de brûlage du goémon. A cette époque on toussait beaucoup, mais on ne parlait pas encore de pollution ni de particules fines.
La tranchée est garnie de pierres plates au fond et sur les côtés.
Ces pierres sont isolées de la terre par une couche de galets qui laisse passer l'air.
Des cloisons de pierre amovibles séparent les pains de soude qui vont se former.
Le brûlage durait longtemps car on alimentait sans cesse le feu avec de nouvelles fourchées de goémon sec afin que la matière qui s'en écoulait remplisse tout le four. Lorsque le feu s'éteignait et que le contenu du four s'était refroidi, on retirait alors par morceaux, cette matière grisâtre qui s'y était solidifiée. On appelait ces blocs des « pains de soude ». Ils pouvaient atteindre 50 kg.
Un pain de soude présenté en août 2015 au Forum de l'Algue à Lanildut.
Ces pains, plus ou moins réguliers, étaient pesés et analysés à l'usine d'iode la plus proche et constituaient la matière première de ses productions : soude, iode, sels de potasse qui servaient en particulier à l'industrie chimique, pharmaceutique et à la verrerie. Cette activité s'est déroulée de 1812 à 1958 avec des périodes de forte demande, la teinture d'iode étant par exemple l'antiseptique le plus utilisé pendant la guerre de 1914-1918.
C'est pourquoi on observe une quantité de fours à goémon sur tout le littoral. Plusieurs sont visibles au sud de Porspaul, non loin de l'île Ségal.
Près de l'île Ségal, plusieurs fours, bien entretenus, voire même restaurés, sont mis en évidence lorsque la végétation a été coupée. On aperçoit bien les dalles de pierre qui en tapissent le fond. |
D'autres sont proches de la batterie de Lanildut (
visite de la batterie ).
L'un d'eux montre encore, ce qui est rare, des cloisons de pierre séparant les « loges », qui facilitaient le démoulage des pains de soude.
Des cloisons que l'on changeait souvent car la chaleur les faisait éclater.
Ce four aux cloisons à peu près intactes, à Lanildut,
est toujours utilisé lors des fêtes annuelles de l'algue.
Photo JP..Clochon juillet 2015.
Lanildut : sentier côtier.
Au détour du sentier côtier de Lanildut, non loin de la batterie, dans une propriété privée, ou encore au centre de la presqu'île St-Laurent, à Porspoder, plusieurs fours apparaissent encore. Il en est ainsi sur toute la côte du Pays d'Iroise.
Presqu'île St-Laurent à Porspoder
Mazou, en Porspoder
Il existe encore sur la commune de Porspoder toute une zone où apparaissent dans une très vaste étendue herbeuse, en bord de mer, un nombre important de fours à goémon. Certains sont même d'une longueur inhabituelle. D'autres sont déjà totalement enfouis sous les herbes et l'on prendra plaisir à les rechercher et à les découvrir.
Allez, on va vous dire où c'est, et vous ne regretterez pas votre déplacement.
Sur la D 27, dans le sens Nord-Sud, 2 km après le bourg de Porspoder et avant le port de Melon, au lieu-dit Kervezennoc, prendre à droite une route fléchée « Port de Mazou ». Au bout, tourner à gauche vers le hameau de Mazou et stationner à la fin de cette voie.
Véhicules importants : demi-tour difficile voire impossible dans le hameau de Mazou. Stationner plutôt avant les premières maisons.
On peut au passage jeter un coup d'œil sur ce charmant petit port (
voir la page consacrée dans ce site ).
Suivre ensuite à gauche le sentier côtier vers le sud. Il traverse la vaste zone herbeuse où foisonnent les fours à goémon.
Chose très rare, on découvre aussi parfois près d'un four une sorte de dallage de gros galets arrondis. Et l'on devine, dans l'âcre fumée blanche de la prairie, les « pains de soude » encore brûlants que des ombres déposent avec précaution sur ces pierres pour les laisser lentement refroidir tandis qu'une autre fournée, sans perte de temps, va bientôt démarrer. Tendez l'oreille, et votre imagination vous fait peut-être entendre le lourd craquement d'un tombereau de goémon frais que tire péniblement, dans le chemin voisin, un cheval remontant du petit port de Mazou.
Mais il faut souvent aussi chercher ces anciens fours à goémon sous les herbes. Doit-on les laisser ainsi disparaître dans la végétation et, à terme, être oubliés dans l'humus ou le sable de la dune qui les conserveront peut-être pour les siècles futurs ?
Ils sont les derniers témoins d'une activité2 laborieuse et modeste qui a nourri toute une population pendant plus d'un siècle et contribué à l'essor de notre industrie. Ce sont des éléments discrets mais importants de notre patrimoine qui font partie de ceux que nous devons transmettre aux nouvelles générations pour des raisons culturelles, certes, mais pas seulement. En effet nous avons tous besoin de repères temporels et sociaux. Ceux-ci sont concrets, nombreux et bien répartis dans nos communes côtières. Ils méritent donc toute notre sollicitude.
-1-
Voici le compte-rendu de la visite d'une classe de Landéda, en 1907, lors du brûlage du goémon :
« Nous sommes allés hier à la grève voir brûler le goémon. Arrivés sur les dunes, nous voyons plusieurs groupes de personnes autour de fosses appelées fosses à soude. Ces fosses ont cinq à six mètres de longueur, cinquante centimètres de largeur et quarante centimètres de profondeur.
Nous nous approchons de l'une de ces fosses et faisons connaître aux personnes l'objet de notre promenade. Aimablement, un des hommes se met à notre disposition pour nous fournir tous les renseignements désirables.
Le goémon ( algues ) est recueilli dans la mer non loin de la côte à l'aide de bateaux. Les goémoniers, armés d'une espèce de faux, coupent le goémon, le détachent du fond, puis à l'aide d'une houe à long manche, ils l'attirent dans leur bateau. Lorsque celui-ci est plein, ils abordent la côte et déchargent le goémon.
A l'aide de charrettes, de brouettes ou de civières, on transporte le goémon sur les dunes. Là, on l'étend et on le retourne une ou deux ou fois pour le faire sécher. Lorsqu'il est bien sec, on l'entasse. De là, on prend des charrettes que l'on décharge près de la fosse à soude.
On jette dans la fosse quelques brindilles de bois et l'on y met le feu. On prend ensuite des brasses de goémon que l'on jette par poignées dans la fosse. Le goémon brûle et dégage une fumée épaisse qui obscurcit l'horizon de tous les côtés. A mesure que le goémon brûle, on jette dans la fosse de nouvelles poignées que l'on remue avec une fourche à dents de fer. Le goémon se transforme peu à peu en cendres. On cesse de jeter du goémon.
Le soir, quand la fosse est pleine de cendres, on éteint le feu et on retire de la fosse des blocs de cendres appelés « pains de soude » qu'on transporte soit à Brignogan, soit à l'Aber Wrac'h à l'usine Glaizot où l'on en extrait la soude. Les pains de soude que l'on transporte à Brignogan sont embarqués dans un bateau de M. Glaizot qui les expédie à l'Aber Wrac'h.
Il y a des usines à soude à l'Aber Wrac'h, Portsall, Le Conquet, Audierne et Pont-L'Abbé.»
-2-
L'activité goémonière est loin d'avoir disparu, mais elle a beaucoup évolué avec les progrès techniques. Pour s'en convaincre, il faut visiter le port de Lanildut et sa Maison de l'Algue. Lanildut est le premier port goémonier d'Europe. Toute une flottille de navires spécialisés y débarque les algues prélevées au large. Celles-ci sont ensuite acheminées dans des usines où l'on fabrique les alginates utilisés comme gélifiants, stabilisants, épaississants ou émulsifiants pour l'industrie agroalimentaire.
Les bateaux goémoniers actuels utilisent un « scoubidou », sorte de grand croc mécanique,
pour cueillir les laminaires du plateau de Molène. © Photo Gérard Bosch
Merci à Jean-Pierre Clochon, historien du Pays d'Iroise, et à Marie-Hélène Colin-Maréchal, pour leur aide et le prêt de leurs documents.