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La crique de Déolen

et les premiers câbles transatlantiques 1



( Commune de Locmaria-Plouzané )






GPS du stationnement : 48°20'59.5 N   4°38'17.2 W







   La petite crique de Déolen, sur le sentier côtier entre Brest et Plougonvelin, abrite un trésor de la mémoire maritime internationale.
Et pourtant des centaines de randonneurs y passent, des adeptes du bodyboard s'y baignent, sans imaginer qu'à partir de ce lieu s'est déroulée pendant plus d'un siècle une extraordinaire aventure, tout à fait comparable à celle de la conquête spatiale.

Accès : S'arranger d'abord pour y parvenir à marée basse.

Horaires des marées aujourd'hui : cliquez ci-dessous :


SHOM




  On peut accéder à Déolen à pied en 40 minutes environ en longeant le sentier côtier GR34, soit vers l'ouest à partit de la pointe du Petit Minou, soit vers l'est à partir de la plage de Trégana.
En voiture, c'est plus compliqué : il faut quitter vers le sud la D789, route de Brest au Conquet, exactement face à l'un des 2 pylônes de relais téléphonique, en direction de Kerhallet. Fléchage
Déolen si l'on vient de Brest. Puis tourner à la deuxième route à droite en direction de Penher. Prendre ensuite la première route à droite vers Milin Nevez. Lorsque cette petite route amorce une descente, stationner près d'un chemin sur le côté gauche du virage et suivre à pied ce chemin qui mène vers la mer. On aboutit en 5 minutes à la crique.





   De l'autre côté de la passerelle, au pied d'un bâtiment qui fut autrefois la Maison des câbles, un panneau explicatif a été implanté dans un élargissement du sentier. Il est entouré par un gros câble métallique qui sort du sol.





On aperçoit encore dans la crique quelques débris de plusieurs câbles. Si la mer est basse, on peut les retrouver à droite parmi les rochers. Ils apparaissent encore dans une tranchée taillée dans le roc et plongent ensuite dans la mer...





   L'histoire de Déolen est celle de ces curieux vestiges. 1

Les débuts :

  C'est en 1850 que le premier câble télégraphique sous-marin est posé entre le cap Gris-Nez, en France, et Southerland en Grande-Bretagne. Mais le rêve le plus fou, traverser l'Atlantique, reste à concrétiser. Ce sont les Anglais qui vont le réaliser les premiers en 1858 en reliant l'Irlande à Terre-Neuve. Mais rapidement détérioré, le câble ne fonctionnera pratiquement pas. Une nouvelle tentative, en 1866, est enfin couronnée de succès.
  La Bretagne, dardant sa péninsule vers le Nouveau Monde, s'impose comme un site privilégié pour participer au développement de ce formidable défi technologique. Et c'est en 1869 qu'est mis en service le premier câble transatlantique français, qui relie la pointe du Minou, à l'ouest de Brest, à Duxburry, aux Etats-Unis2 en passant par St-Pierre et Miquelon. En 1879, un second câble, de 5800 km en deux tronçons, rejoint le Cap Cod, dans le Massachusetts, via les îles de Saint-Pierre et Miquelon. Cette fois, c'est la petite crique de Déolen, un peu plus à l'ouest que celle du Minou, qui est choisie comme point de départ.



Le désert de Déolen :

    La crique de Déolen fut choisie pour la tranquillité des lieux « éloignés de toutes influences de parasites industriels nuisibles aux récepteurs ». On peut imaginer la tranquillité des lieux lorsque l'on lit la description qui en est faite par un promeneur au début du siècle. 3:

«Nous voici en pays de légende. Après avoir parcouru des contrées remplies de gazouillements de fontaines et d'ombres poétiques, nous voici maintenant au désert, sur un sol quasi-vierge, dans la lande, avec, devant nous, une falaise à pic, découpée en décors de théâtre, et la mer grondant au bas. Paysage de plein vent et de plein soleil. C'est le désert de Déolen. D'étroits sentiers dévalent brusquement jusqu'au fond d'un premier ravin où coule un ruisseau vaseux qu'il faut passer à gué. De l'autre côté, la montagne est rude à gravir, mais , une fois au sommet, nous serons dédommagé de nos fatigues par l'originalité du spectacle. A nos pieds s'ouvre la crique de Déolen, déchiquetée, taillée en dentelles granitiques.»

Une Maison des câbles réceptionnait les communications. M. Sévère en était le gardien. Notre promeneur lui rendit visite.
« M. Sévère n'est pas gâté par les distractions du voisinage, à Déolen. Son ermitage est absolument isolé; aucun chemin vicinal n'y mène. M. Sévère ne peut quitter Déolen sans traverser le désert. L'hiver, ce n'est pas toujours drôle. »



S'il n'existait pas de chemin, c'est que les propriétaires riverains exigèrent un prix exorbitant, trente francs du mètre-carré, pour que la Compagnie Française des Câbles Télégraphiques, propriétaire du câble, le réalise.


Un point stratégique mondial.

   Mais les choses vont s'accélérer. En 1898, un troisième câble, de 6000 km atterrit à Déolen, reliant d'un seul tenant la crique au Cap Cod. Entre temps, depuis 1870, la pointe du Minou était aussi reliée à l'Angleterre via la station de Brignogan avec laquelle elle était connectée par des câbles aériens. En 1880, un câble direct relie Déolen à Porthcurno, près de Plymouth. En 1905, une liaison est établie depuis le Minou avec Dakar, au Sénégal. En 1915, un câble allemand, récupéré et dévié, relie Déolen à Dakar, via Casablanca, au Maroc. Puis en 1919 un autre câble allemand, prise de guerre, venant de New-York, via les Açores est dévié vers Déolen. Le relais technique de la station de Déolen devient l'un des points stratégiques des télécommunications mondiales. Une centaine d'agents basés à Brest en assurent le fonctionnement.
Tout un ensemble de bâtiments est construit en 1920, en granite du pays, et aménagé en 1922.
En 1929, un violent séisme près de Terre-Neuve provoque au fond de la mer une immense vague de boue qui détruit le câble du Cap Cod de 1879. Le coût des réparations s'avérant trop élevé, cette liaison est abandonnée.



  La station a cessé son activité pendant la Seconde guerre mondiale, mais les Allemands, pensant l'utiliser, ne l'ont pas détruite. Et grâce à l'ingéniosité du directeur de l'époque, Edouard Bernard, le matériel put être en grande partie sauvegardé. Toujours pour des raisons stratégiques évidentes, les Alliés ne choisirent pas la station comme cible de leurs bombardements. Après que les Rangers du 5ème bataillon s'en furent emparé, on apprit que le câble direct vers l'Amérique avait été détourné par les Anglais sans en informer leurs alliés.

De la télégraphie au centre aéré.

  Les liaisons avec l'Afrique furent transférées du Minou à Déolen dès 1945. Après réparations, la liaison avec l'Angleterre reprit en 1947, de même celle avec les États-Unis via les Açores. Le Direct ne sera rétabli qu'en 1952. Un baraquement fut ajouté aux bâtiments en 1948 pour servir d'école aux PTT.
  Déolen continua de fonctionner jusqu'en 1962. Mais le 12 juillet de la même année, la station spatiale de Pleumeur-Bodou captait les premières images télévisées transmises par le satellite Telstar. Autres temps, autres technologies. Cependant, plus que le satellite, c'est le téléphone qui condamna le télégraphe. Les câbles sous-marins avaient encore un bel avenir, mais ils devinrent téléphoniques au lieu de télégraphiques. La station de Déolen, devenue obsolète, ne put être réadaptée aux nouvelles technologies.

   C'est le sud du département qui fut choisi pour une simple question de distance, 40 kilomètres en moins par rapport aux Etats-Unis, et, toujours en 1962, fut inaugurée la station de câbles sous-marins téléphoniques de Penmarc'h. Elle est encore en service, et le plus long câble sous-marin au monde, le Sea Me We 3, de 40 000 km, y atterrit.
    Quant à la station de Déolen, désaffectée durant quelques années, elle fut reprise en 1987 par France Télécom. Plusieurs bâtiments furent vendus à des particuliers. L'édifice principal fut entièrement réaménagé et transformé en centre aéré. Il reçut ainsi, tous les mercredis et durant les vacances scolaires, les enfants des agents de La Poste et de France Télécom de l'agglomération brestoise. Aujourd'hui, il n'abrite plus de centre aéré et n'appartient plus à France Télécom.

Jean-François DOUGUET et l'association LOCMARIA-PATRIMOINE 1


1- Le texte de cette page reprend un article de Jean-François DOUGUET paru en octobre 2000 dans le n° 188 des 'Cahiers de l'Iroise'. Avec l'autorisation de son auteur, il a été réactualisé et illustré grâce aux recherches et à la collaboration de l'association LOCMARIA-PATRIMOINE, de Locmaria-Plouzané.

2- On a utilisé à l'époque le plus grand navire du monde, le paquebot Great Eastern transformé en câblier et accompagné de plusieurs autres unités.

***

EN SAVOIR PLUS


L'association Locmaria-Patrimoine a édité l'ouvrage ci-dessous
qui relate en 76 pages l'histoire très complète de cette aventure transocéanique.
On peut se procurer ce livre, au tirage limité, directement auprès de l'association au
02 98 48 50 17.

Livre sur l'histoire des câbles océaniques


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