L'existence de peuples celtiques à la pointe de l'Armorique est attestée par Jules
César dans son rapport de conquérant La Guerre des Gaules. Mais auparavant, le témoignage le plus probant que l'on possède sur les
Osismes, les Vénètes ou les Coriosolites est celui de Pythéas qui lui
est antérieur de trois siècles.
Qui était donc ce Pythéas ? Un Massaliote, on
dirait de nos jours un
Marseillais. Pytheas massiliensis peut-on lire dans les textes
anciens selon les témoignages d'Eratosthène, responsable de la
bibliothèque d'Alexandrie, et d'Hipparque, l'un des plus grands
astronomes grecs de l'Antiquité.
Pythéas vivait donc à Marseille ( cité
gréco-phocéenne de Massalia ) au
IVe siècle avant
notre ère et fut reconnu de
son temps non seulement comme un navigateur intrépide, mais aussi comme
un excellent mathématicien et astronome. Il a déterminé, par l'ombre
d'un gnomon1 la
latitude exacte de Marseille à une époque où l'on ne savait rien encore sur les
coordonnées géographiques des autres cités méditerranéennes. Il calcula avec précision l'obliquité de l'écliptique2
et en déduisit qu'au solstice d'été, à partir du cercle polaire, le
soleil ne devait plus disparaître derrière l'horizon.
Quittant les rivages du Lacydon, l'ancien nom du
Vieux port, vers 320 avant J.C., son expédition au-delà des Colonnes d'Hercule ( détroit de
Gibraltar ) devait lui permettre d'aller vérifier ses calculs en se
rendant par mer jusqu'à la latitude désirée et aussi de trouver la voie
maritime qui faciliterait l'importation de l'étain, de l'ambre et des
autres produits en provenance des contrées du Nord. L'étain dont Marseille, Rome et Athènes avaient un grand besoin pour fabriquer armes
et outils en bronze se trouvait en grande quantité en Cornouaille
britannique mais aussi en Armorique. C'est donc poussés par l'esprit de recherche et d'aventure autant que pour des raisons
économiques que les équipages massaliotes embarquèrent avec, sans
doute, au cœur et à l'esprit l'épopée fabuleuse des Argonautes.
Trière : 170 rameurs sur 3 étages
Pentecontore : 50 rameurs au même niveau
Quels types de navires et combien d'entre eux
furent armés pour cette expédition aventureuse ? Certains archéologues et écrivains penchent
pour une ou deux trières, d'autres pour des pentecontores transportant au maximum une centaine de marins. A l'époque, les Carthaginois contrôlaient la navigation dans l'ouest de la Méditerranée et
empêchaient les navires grecs et romains de franchir le détroit ouvrant
sur l'Atlantique. Pythéas réussit-il à tromper la vigilance des
Carthaginois ? Ou bien traversa-t-il le sud de la Gaule avec chevaux,
armes et bagages pour s'embarquer chez les Namnètes à l'embouchure de
la Loire ? Toujours est-il qu'il reconnut plusieurs caps armoricains,
dont celui qu'il nomma Kabaïon et qui n'est autre que la pointe de
Penmarc'h. Les Romains le renommèrent Caput caballi ( du latin
caput=tête ou chef, et caballus=cheval ). Plus tard, les Bretons venus d'outre-Manche ont naturellement traduit cette appellation par Pen
Marc'h ( tête de cheval ) puis les écrivains et historiens d'une Bretagne devenue
française au XVIe siècle le rebaptisèrent en Cap Caval.
Après la pointe de Penmarc'h, le navigateur
découvrit la région du Conquet et des abers ainsi que des îles dont celle qu'il nomma Ouxisamé
et qui était sans doute Ouessant. En 1959 fut découvert à Lampaul-Ploudalmézeau, dans les crampons d'une algue laminaire, un
statère d'or de Cyrène, appelé depuis par les numismates et les
héllénistes le statère de Pythéas3. La série dont fait partie cette
monnaie d'or aurait été frappée entre 322 et 313 avant J.C., époque
probable de l'expédition.4
Le statère d'or trouvé à Lampaul-Ploudalmézeau
et déposé au Musée de Bretagne, à Rennes
Photos : Musée de Préhistoire de Penmarc'h ( Finistère )
Au droit : un quadrige mené par la déesse ailée Niké
( la Victoire de Samothrace)
et le nom en grec des Cyrénéens.
Au revers : Zeus de Cyrène ( Zeus-Ammon ) faisant une libation
et le nom de Polianthès, magistrat monétaire de Cyrène en -322.
Les Massaliotes se dirigèrent ensuite vers les
Cassitérides5. Le navigateur mentionne aussi plus à l'est une île que les indigènes
nommaient Victis, peut-être l'île de Wight, et une zone aux rivages
abrupts appelée Kantion, nom approximatif encore porté par le comté de
Kent. Faisant de nombreuses escales, il finit par reconnaître par
observations et déductions la forme triangulaire de cette terre
nouvelle à laquelle il donna le nom de Prettaniké ou Brettaniké, la
terre des Brittons. Les habitants, écrit-il,
sont des gens simples qui vivent frugalement dans des cabanes de
roseaux et de bois. Et il ajoute : Ce sont de bons guerriers qui
combattent sur des chars comme les héros de la guerre de Troie.
Il n'oublie pas de signaler le phénomène des marées, surtout celles qu'il
découvrira sur les rivages de l'Ecosse et du cap Orkas ( Orcades ) et
les comparera aux marées beaucoup plus faibles de la Méditerranée.
La suite de son périple amènera le navigateur vers
Thath ou Thulé, à six jours de navigation de la Bretagne (
Grande-Bretagne), en direction du nord précisèrent Strabon et Pline en
le citant. A quoi correspondait Thulé ? Aux Shetlands ? Aux Féroé ? à
l'Islande ? Ou bien à toutes ces régions y compris la côte norvégienne ? Pendant longtemps Thulé constituera l'extrême limite nord du monde
connu : l'Ultima Thulé. Aujourd'hui encore, en gaélique, langue
celtique d'Irlande, on prononce Tuath ou Toua pour désigner le grand nord.
D'après Le voyage de Pythéas 300 ans avant J.C., revue Cap Caval n°24
Certains historiens pensent que le retour d'Islande
s'est effectué non pas le long des côtes scandinaves
mais entre les îles britanniques avant l'exploration de la mer Baltique.
Ils s'appuient sur le fait que sans en avoir fait le tour, Pythéas n'aurait jamais pu se rendre compte que l'île de Grande-Bretagne avait une forme triangulaire.
Les Barbares nous montraient l'horizon où le soleil disparaît pour regagner
sa couche, raconte Pythéas en évoquant les nuits des
hivers boréaux, ainsi que le recopie Geminus de Rhodes au premier
siècle avant notre ère. Beaucoup plus tard, Cosmas d'Alexandrie rapporte : Pythéas dit
qu'étant arrivé dans les parages d'extrême nord, les indigènes lui
indiquaient l'endroit qui était pour eux le point d'origine des longues nuits.
Lorsque le navigateur déclare que la mer glaciale ( la mer figée,
traduira Pline ) se trouve à un seul jour de navigation de Thulé, c'est
probablement de l'Islande et de la banquise qui commence au nord de
cette île qu'il veut parler, et ce qu'il nomma le poumon marin
devait être les plaques de glace en cours de formation qu'il comparait
à des bancs de méduses.
Le cercle polaire dépassé, Pythéas revint vers le
sud et pénétra dans la mer Baltique. En face de la Scythie ( pays des Scythes ou le nord de l'Europe ), explique encore Pline,
il aborda une île où le flot rejette de l'ambre en abondance sur les plages. Il doit s'agir de l'île qui de nos jours se nomme Samland, dans les parages de Kaliningrad. Strabon n'admet pas que Pythéas ait reconnu tant de
terres nouvelles et surtout les rivages de la Baltique. Personne n'a encore dépassé
l'embouchure de l'Elbe, affirme-t-il dans l'un de ses
écrits, pas même les Romains. L'historien Claude Nicolet rappelle que, sous
Auguste, la flotte romaine atteignit le promontoire des Cimbres ( la
pointe du Jutland ), mais dut ensuite rebrousser chemin. Omission pieuse de la part de Strabon plutôt qu'ignorance, déclara alors l'historien.
L'histoire de Pythéas présente d'émouvantes lacunes écrit le poète
marseillais Louis Brauquier. On peut imaginer toutes sortes de fins à son périple. Marseille se montra-t-elle ingrate envers son héros ? Reprit-elle la mer pour de nouvelles découvertes ? Le silence se fit pendant de longs siècles sur Pythéas dont tous les écrits avaient disparu, et puis la Renaissance italienne
redécouvrit Strabon et, par lui, les exploits du premier explorateur polaire de l'histoire. A notre époque, tous les navigateurs, astronomes,
historiens et géographes de la planète reconnaissent désormais
l'immense valeur de ce grand marin. Mais nous nous contenterons
d'ajouter que Pythéas de Marseille, celui que Winston Churchill salua
dans son livre The birth of Britain comme l'un des plus grands explorateurs
de l'histoire, a bel et bien reconnu les côtes de notre belle
région que nous aimons et que nous nommons le Finistère.
Aujourd'hui encore, après 23 siècles, Marseille n'a pas oublié Pythéas. Un collège et une rue parallèle à la Cannebière portent son nom, une
statue et une stèle lui sont consacrées tandis que le récent Musée
d'Histoire de la ville, édifié sur le site du port antique, évoque le
célèbre navigateur massaliote.
-1- Le gnomon était constitué d'une tige verticale ou parallèle à l'axe des pôles,
fixée sur une surface plane. Il servait entre autres à mesurer
les hauteurs du soleil et à marquer le temps.
-2- L'écliptique est le plan dans lequel la Terre
se déplace dans l'espace. L'axe de rotation de la Terre est incliné par
rapport à ce plan de 23°26.
-3- Lire les incroyables tribulations de cette monnaie sur notre page La monnaie d'or dite de Pythéas.
-4- Lire plus bas le rapport détaillé de cette intéressante découverte publié par Jean
Bousquet, Directeur Régional des Antiquités Historiques, en 1961 dans les Annales de Bretagne,
vol.68, n°68-1, pp.25-39. L'auteur en déduit que l'un des navires de Pythéas aurait pu
sombrer non loin de l'Aber Benoît, dans des fonds ne dépassant pas 30 m.
La même année, J.B. Colbert de Beaulieu, numismate, et P.R. Giot,
préhistorien, publièrent à leur tour un article concernant cette découverte
protohistorique dans le Bulletin de la Société Préhistorique de France, vol.58, n°5-6, pp.324-331. Article
-5- Les Cassitérides : appellation globale pour
désigner les Sorlingues ( îles Scilly ) et la Cornouaille britannique
où l'on extrayait du sol, comme chez nous à St-Renan, la cassitérite, minerai d'étain.
Cette notice a été écrite d'après Hugues Journès: Le voyage de
Pythéas 300 ans avant J.C. in revue Cap Caval n°24, Pont-l'Abbé, septembre 1999.
Georges Tanneau
EN SAVOIR PLUS
Sur internet, voir un site très complet sur Pythéas :
Pythéas de Marseille
En 1961, L'Académie des Inscriptions et Belles Lettres a publié dans le compte-rendu ci-dessous de ses séances de 1960 :
Cliquez sur l'image
En pp. 317-323 : Un statère d'or de Cyrène sur la côte du Finistère
par Jean Bousquet, Directeur des Antiquités Historiques de Bretagne
En mars 1961, Les Annales de Bretagne ont, elles aussi, publié cette découverte :
Cliquez sur l'image
En pp. 25-39 : Une monnaie d'or de Cyrène sur la côte nord de l'Armorique
par Jean Bousquet, Directeur des Antiquités Historiques de Bretagne
Malgré la découverte du statère d'or, le périple de Pythéas souffre toujours des critiques de Strabon et reste encore méconnu. Tout en proposant des itinéraires différents, de nombreux auteurs ont pourtant tenté de réhabiliter la mémoire du navigateur massaliote.
par Dietrich STICHTENOTH, Hermann Böhlaus Nachf. Weimar,1959.
La Nerthe 2000
Un ouvrage relié exceptionnel, abondamment illustré de merveilleuses aquarelles, qui réhabilite complètement le navigateur marseillais grâce à des explications scientifiques très détaillées.
On regrette seulement que cet ouvrage actuellement épuisé n'ait jamais été réédité.
A saisir si par bonheur on le trouve d'occasion.
Sur internet, voir le site d'Yvon Georgelin, astrophysicien de renommée mondiale et co-auteur de cet ouvrage :
Regards sur l'astronomie
France Empire 1974
Hachette 1999
Autrement 2003
Walker & Co
Vuibert 2008
Skol Vreizh 2013
Les Belles Lettres 2024
Ce dernier ouvrage, très récent, a le mérite de présenter au lecteur, traduits en français, les 38 fragments de textes grecs et latins citant Pythéas ou se référant à son œuvre.
Ce sont les seuls témoignages antiques que nous ayons conservés concernant l'astronome-explorateur.
***
Qui était donc ce Pythéas ? Un Massaliote, on dirait de nos jours un Marseillais. Pytheas massiliensis peut-on lire dans les textes anciens selon les témoignages d'Eratosthène, responsable de la bibliothèque d'Alexandrie, et d'Hipparque, l'un des plus grands astronomes grecs de l'Antiquité.
Pythéas vivait donc à Marseille ( cité gréco-phocéenne de Massalia ) au IVe siècle avant notre ère et fut reconnu de son temps non seulement comme un navigateur intrépide, mais aussi comme un excellent mathématicien et astronome. Il a déterminé, par l'ombre d'un gnomon1 la latitude exacte de Marseille à une époque où l'on ne savait rien encore sur les coordonnées géographiques des autres cités méditerranéennes. Il calcula avec précision l'obliquité de l'écliptique2 et en déduisit qu'au solstice d'été, à partir du cercle polaire, le soleil ne devait plus disparaître derrière l'horizon.
Quittant les rivages du Lacydon, l'ancien nom du Vieux port, vers 320 avant J.C., son expédition au-delà des Colonnes d'Hercule ( détroit de Gibraltar ) devait lui permettre d'aller vérifier ses calculs en se rendant par mer jusqu'à la latitude désirée et aussi de trouver la voie maritime qui faciliterait l'importation de l'étain, de l'ambre et des autres produits en provenance des contrées du Nord. L'étain dont Marseille, Rome et Athènes avaient un grand besoin pour fabriquer armes et outils en bronze se trouvait en grande quantité en Cornouaille britannique mais aussi en Armorique. C'est donc poussés par l'esprit de recherche et d'aventure autant que pour des raisons économiques que les équipages massaliotes embarquèrent avec, sans doute, au cœur et à l'esprit l'épopée fabuleuse des Argonautes.
Quels types de navires et combien d'entre eux
furent armés pour cette expédition aventureuse ? Certains archéologues et écrivains penchent
pour une ou deux trières, d'autres pour des pentecontores transportant au maximum une centaine de marins. A l'époque, les Carthaginois contrôlaient la navigation dans l'ouest de la Méditerranée et
empêchaient les navires grecs et romains de franchir le détroit ouvrant
sur l'Atlantique. Pythéas réussit-il à tromper la vigilance des
Carthaginois ? Ou bien traversa-t-il le sud de la Gaule avec chevaux,
armes et bagages pour s'embarquer chez les Namnètes à l'embouchure de
la Loire ? Toujours est-il qu'il reconnut plusieurs caps armoricains,
dont celui qu'il nomma Kabaïon et qui n'est autre que la pointe de
Penmarc'h. Les Romains le renommèrent Caput caballi ( du latin
caput=tête ou chef, et caballus=cheval ). Plus tard, les Bretons venus d'outre-Manche ont naturellement traduit cette appellation par Pen
Marc'h ( tête de cheval ) puis les écrivains et historiens d'une Bretagne devenue
française au XVIe siècle le rebaptisèrent en Cap Caval.
Après la pointe de Penmarc'h, le navigateur
découvrit la région du Conquet et des abers ainsi que des îles dont celle qu'il nomma Ouxisamé
et qui était sans doute Ouessant. En 1959 fut découvert à Lampaul-Ploudalmézeau, dans les crampons d'une algue laminaire, un
statère d'or de Cyrène, appelé depuis par les numismates et les
héllénistes le statère de Pythéas3. La série dont fait partie cette
monnaie d'or aurait été frappée entre 322 et 313 avant J.C., époque
probable de l'expédition.4
Le statère d'or trouvé à Lampaul-Ploudalmézeau
et déposé au Musée de Bretagne, à Rennes
Photos : Musée de Préhistoire de Penmarc'h ( Finistère )
Au droit : un quadrige mené par la déesse ailée Niké
( la Victoire de Samothrace)
et le nom en grec des Cyrénéens.
Au revers : Zeus de Cyrène ( Zeus-Ammon ) faisant une libation
et le nom de Polianthès, magistrat monétaire de Cyrène en -322.
Les Massaliotes se dirigèrent ensuite vers les
Cassitérides5. Le navigateur mentionne aussi plus à l'est une île que les indigènes
nommaient Victis, peut-être l'île de Wight, et une zone aux rivages
abrupts appelée Kantion, nom approximatif encore porté par le comté de
Kent. Faisant de nombreuses escales, il finit par reconnaître par
observations et déductions la forme triangulaire de cette terre
nouvelle à laquelle il donna le nom de Prettaniké ou Brettaniké, la
terre des Brittons. Les habitants, écrit-il,
sont des gens simples qui vivent frugalement dans des cabanes de
roseaux et de bois. Et il ajoute : Ce sont de bons guerriers qui
combattent sur des chars comme les héros de la guerre de Troie.
Il n'oublie pas de signaler le phénomène des marées, surtout celles qu'il
découvrira sur les rivages de l'Ecosse et du cap Orkas ( Orcades ) et
les comparera aux marées beaucoup plus faibles de la Méditerranée.
La suite de son périple amènera le navigateur vers
Thath ou Thulé, à six jours de navigation de la Bretagne (
Grande-Bretagne), en direction du nord précisèrent Strabon et Pline en
le citant. A quoi correspondait Thulé ? Aux Shetlands ? Aux Féroé ? à
l'Islande ? Ou bien à toutes ces régions y compris la côte norvégienne ? Pendant longtemps Thulé constituera l'extrême limite nord du monde
connu : l'Ultima Thulé. Aujourd'hui encore, en gaélique, langue
celtique d'Irlande, on prononce Tuath ou Toua pour désigner le grand nord.
D'après Le voyage de Pythéas 300 ans avant J.C., revue Cap Caval n°24
Certains historiens pensent que le retour d'Islande
s'est effectué non pas le long des côtes scandinaves
mais entre les îles britanniques avant l'exploration de la mer Baltique.
Ils s'appuient sur le fait que sans en avoir fait le tour, Pythéas n'aurait jamais pu se rendre compte que l'île de Grande-Bretagne avait une forme triangulaire.
Les Barbares nous montraient l'horizon où le soleil disparaît pour regagner
sa couche, raconte Pythéas en évoquant les nuits des
hivers boréaux, ainsi que le recopie Geminus de Rhodes au premier
siècle avant notre ère. Beaucoup plus tard, Cosmas d'Alexandrie rapporte : Pythéas dit
qu'étant arrivé dans les parages d'extrême nord, les indigènes lui
indiquaient l'endroit qui était pour eux le point d'origine des longues nuits.
Lorsque le navigateur déclare que la mer glaciale ( la mer figée,
traduira Pline ) se trouve à un seul jour de navigation de Thulé, c'est
probablement de l'Islande et de la banquise qui commence au nord de
cette île qu'il veut parler, et ce qu'il nomma le poumon marin
devait être les plaques de glace en cours de formation qu'il comparait
à des bancs de méduses.
Le cercle polaire dépassé, Pythéas revint vers le
sud et pénétra dans la mer Baltique. En face de la Scythie ( pays des Scythes ou le nord de l'Europe ), explique encore Pline,
il aborda une île où le flot rejette de l'ambre en abondance sur les plages. Il doit s'agir de l'île qui de nos jours se nomme Samland, dans les parages de Kaliningrad. Strabon n'admet pas que Pythéas ait reconnu tant de
terres nouvelles et surtout les rivages de la Baltique. Personne n'a encore dépassé
l'embouchure de l'Elbe, affirme-t-il dans l'un de ses
écrits, pas même les Romains. L'historien Claude Nicolet rappelle que, sous
Auguste, la flotte romaine atteignit le promontoire des Cimbres ( la
pointe du Jutland ), mais dut ensuite rebrousser chemin. Omission pieuse de la part de Strabon plutôt qu'ignorance, déclara alors l'historien.
L'histoire de Pythéas présente d'émouvantes lacunes écrit le poète
marseillais Louis Brauquier. On peut imaginer toutes sortes de fins à son périple. Marseille se montra-t-elle ingrate envers son héros ? Reprit-elle la mer pour de nouvelles découvertes ? Le silence se fit pendant de longs siècles sur Pythéas dont tous les écrits avaient disparu, et puis la Renaissance italienne
redécouvrit Strabon et, par lui, les exploits du premier explorateur polaire de l'histoire. A notre époque, tous les navigateurs, astronomes,
historiens et géographes de la planète reconnaissent désormais
l'immense valeur de ce grand marin. Mais nous nous contenterons
d'ajouter que Pythéas de Marseille, celui que Winston Churchill salua
dans son livre The birth of Britain comme l'un des plus grands explorateurs
de l'histoire, a bel et bien reconnu les côtes de notre belle
région que nous aimons et que nous nommons le Finistère.
Aujourd'hui encore, après 23 siècles, Marseille n'a pas oublié Pythéas. Un collège et une rue parallèle à la Cannebière portent son nom, une
statue et une stèle lui sont consacrées tandis que le récent Musée
d'Histoire de la ville, édifié sur le site du port antique, évoque le
célèbre navigateur massaliote.
-1- Le gnomon était constitué d'une tige verticale ou parallèle à l'axe des pôles,
fixée sur une surface plane. Il servait entre autres à mesurer
les hauteurs du soleil et à marquer le temps.
-2- L'écliptique est le plan dans lequel la Terre
se déplace dans l'espace. L'axe de rotation de la Terre est incliné par
rapport à ce plan de 23°26.
-3- Lire les incroyables tribulations de cette monnaie sur notre page La monnaie d'or dite de Pythéas.
-4- Lire plus bas le rapport détaillé de cette intéressante découverte publié par Jean
Bousquet, Directeur Régional des Antiquités Historiques, en 1961 dans les Annales de Bretagne,
vol.68, n°68-1, pp.25-39. L'auteur en déduit que l'un des navires de Pythéas aurait pu
sombrer non loin de l'Aber Benoît, dans des fonds ne dépassant pas 30 m.
La même année, J.B. Colbert de Beaulieu, numismate, et P.R. Giot,
préhistorien, publièrent à leur tour un article concernant cette découverte
protohistorique dans le Bulletin de la Société Préhistorique de France, vol.58, n°5-6, pp.324-331. Article
-5- Les Cassitérides : appellation globale pour
désigner les Sorlingues ( îles Scilly ) et la Cornouaille britannique
où l'on extrayait du sol, comme chez nous à St-Renan, la cassitérite, minerai d'étain.
Cette notice a été écrite d'après Hugues Journès: Le voyage de
Pythéas 300 ans avant J.C. in revue Cap Caval n°24, Pont-l'Abbé, septembre 1999.
Georges Tanneau
EN SAVOIR PLUS
Sur internet, voir un site très complet sur Pythéas :
Pythéas de Marseille
En 1961, L'Académie des Inscriptions et Belles Lettres a publié dans le compte-rendu ci-dessous de ses séances de 1960 :
Cliquez sur l'image
En pp. 317-323 : Un statère d'or de Cyrène sur la côte du Finistère
par Jean Bousquet, Directeur des Antiquités Historiques de Bretagne
En mars 1961, Les Annales de Bretagne ont, elles aussi, publié cette découverte :
Cliquez sur l'image
En pp. 25-39 : Une monnaie d'or de Cyrène sur la côte nord de l'Armorique
par Jean Bousquet, Directeur des Antiquités Historiques de Bretagne
Malgré la découverte du statère d'or, le périple de Pythéas souffre toujours des critiques de Strabon et reste encore méconnu. Tout en proposant des itinéraires différents, de nombreux auteurs ont pourtant tenté de réhabiliter la mémoire du navigateur massaliote.
par Dietrich STICHTENOTH, Hermann Böhlaus Nachf. Weimar,1959.
La Nerthe 2000
Un ouvrage relié exceptionnel, abondamment illustré de merveilleuses aquarelles, qui réhabilite complètement le navigateur marseillais grâce à des explications scientifiques très détaillées.
On regrette seulement que cet ouvrage actuellement épuisé n'ait jamais été réédité.
A saisir si par bonheur on le trouve d'occasion.
Sur internet, voir le site d'Yvon Georgelin, astrophysicien de renommée mondiale et co-auteur de cet ouvrage :
Regards sur l'astronomie
France Empire 1974
Hachette 1999
Autrement 2003
Walker & Co
Vuibert 2008
Skol Vreizh 2013
Les Belles Lettres 2024
Ce dernier ouvrage, très récent, a le mérite de présenter au lecteur, traduits en français, les 38 fragments de textes grecs et latins citant Pythéas ou se référant à son œuvre.
Ce sont les seuls témoignages antiques que nous ayons conservés concernant l'astronome-explorateur.
***
Après la pointe de Penmarc'h, le navigateur découvrit la région du Conquet et des abers ainsi que des îles dont celle qu'il nomma Ouxisamé et qui était sans doute Ouessant. En 1959 fut découvert à Lampaul-Ploudalmézeau, dans les crampons d'une algue laminaire, un statère d'or de Cyrène, appelé depuis par les numismates et les héllénistes le statère de Pythéas3. La série dont fait partie cette monnaie d'or aurait été frappée entre 322 et 313 avant J.C., époque probable de l'expédition.4
Le statère d'or trouvé à Lampaul-Ploudalmézeau
et déposé au Musée de Bretagne, à Rennes
Photos : Musée de Préhistoire de Penmarc'h ( Finistère )
Au droit : un quadrige mené par la déesse ailée Niké
( la Victoire de Samothrace)
et le nom en grec des Cyrénéens.
Au revers : Zeus de Cyrène ( Zeus-Ammon ) faisant une libation
et le nom de Polianthès, magistrat monétaire de Cyrène en -322.
Les Massaliotes se dirigèrent ensuite vers les
Cassitérides5. Le navigateur mentionne aussi plus à l'est une île que les indigènes
nommaient Victis, peut-être l'île de Wight, et une zone aux rivages
abrupts appelée Kantion, nom approximatif encore porté par le comté de
Kent. Faisant de nombreuses escales, il finit par reconnaître par
observations et déductions la forme triangulaire de cette terre
nouvelle à laquelle il donna le nom de Prettaniké ou Brettaniké, la
terre des Brittons. Les habitants, écrit-il,
sont des gens simples qui vivent frugalement dans des cabanes de
roseaux et de bois. Et il ajoute : Ce sont de bons guerriers qui
combattent sur des chars comme les héros de la guerre de Troie.
Il n'oublie pas de signaler le phénomène des marées, surtout celles qu'il
découvrira sur les rivages de l'Ecosse et du cap Orkas ( Orcades ) et
les comparera aux marées beaucoup plus faibles de la Méditerranée.
La suite de son périple amènera le navigateur vers
Thath ou Thulé, à six jours de navigation de la Bretagne (
Grande-Bretagne), en direction du nord précisèrent Strabon et Pline en
le citant. A quoi correspondait Thulé ? Aux Shetlands ? Aux Féroé ? à
l'Islande ? Ou bien à toutes ces régions y compris la côte norvégienne ? Pendant longtemps Thulé constituera l'extrême limite nord du monde
connu : l'Ultima Thulé. Aujourd'hui encore, en gaélique, langue
celtique d'Irlande, on prononce Tuath ou Toua pour désigner le grand nord.
D'après Le voyage de Pythéas 300 ans avant J.C., revue Cap Caval n°24
Certains historiens pensent que le retour d'Islande
s'est effectué non pas le long des côtes scandinaves
mais entre les îles britanniques avant l'exploration de la mer Baltique.
Ils s'appuient sur le fait que sans en avoir fait le tour, Pythéas n'aurait jamais pu se rendre compte que l'île de Grande-Bretagne avait une forme triangulaire.
Les Barbares nous montraient l'horizon où le soleil disparaît pour regagner
sa couche, raconte Pythéas en évoquant les nuits des
hivers boréaux, ainsi que le recopie Geminus de Rhodes au premier
siècle avant notre ère. Beaucoup plus tard, Cosmas d'Alexandrie rapporte : Pythéas dit
qu'étant arrivé dans les parages d'extrême nord, les indigènes lui
indiquaient l'endroit qui était pour eux le point d'origine des longues nuits.
Lorsque le navigateur déclare que la mer glaciale ( la mer figée,
traduira Pline ) se trouve à un seul jour de navigation de Thulé, c'est
probablement de l'Islande et de la banquise qui commence au nord de
cette île qu'il veut parler, et ce qu'il nomma le poumon marin
devait être les plaques de glace en cours de formation qu'il comparait
à des bancs de méduses.
Le cercle polaire dépassé, Pythéas revint vers le
sud et pénétra dans la mer Baltique. En face de la Scythie ( pays des Scythes ou le nord de l'Europe ), explique encore Pline,
il aborda une île où le flot rejette de l'ambre en abondance sur les plages. Il doit s'agir de l'île qui de nos jours se nomme Samland, dans les parages de Kaliningrad. Strabon n'admet pas que Pythéas ait reconnu tant de
terres nouvelles et surtout les rivages de la Baltique. Personne n'a encore dépassé
l'embouchure de l'Elbe, affirme-t-il dans l'un de ses
écrits, pas même les Romains. L'historien Claude Nicolet rappelle que, sous
Auguste, la flotte romaine atteignit le promontoire des Cimbres ( la
pointe du Jutland ), mais dut ensuite rebrousser chemin. Omission pieuse de la part de Strabon plutôt qu'ignorance, déclara alors l'historien.
L'histoire de Pythéas présente d'émouvantes lacunes écrit le poète
marseillais Louis Brauquier. On peut imaginer toutes sortes de fins à son périple. Marseille se montra-t-elle ingrate envers son héros ? Reprit-elle la mer pour de nouvelles découvertes ? Le silence se fit pendant de longs siècles sur Pythéas dont tous les écrits avaient disparu, et puis la Renaissance italienne
redécouvrit Strabon et, par lui, les exploits du premier explorateur polaire de l'histoire. A notre époque, tous les navigateurs, astronomes,
historiens et géographes de la planète reconnaissent désormais
l'immense valeur de ce grand marin. Mais nous nous contenterons
d'ajouter que Pythéas de Marseille, celui que Winston Churchill salua
dans son livre The birth of Britain comme l'un des plus grands explorateurs
de l'histoire, a bel et bien reconnu les côtes de notre belle
région que nous aimons et que nous nommons le Finistère.
Aujourd'hui encore, après 23 siècles, Marseille n'a pas oublié Pythéas. Un collège et une rue parallèle à la Cannebière portent son nom, une
statue et une stèle lui sont consacrées tandis que le récent Musée
d'Histoire de la ville, édifié sur le site du port antique, évoque le
célèbre navigateur massaliote.
-1- Le gnomon était constitué d'une tige verticale ou parallèle à l'axe des pôles,
fixée sur une surface plane. Il servait entre autres à mesurer
les hauteurs du soleil et à marquer le temps.
-2- L'écliptique est le plan dans lequel la Terre
se déplace dans l'espace. L'axe de rotation de la Terre est incliné par
rapport à ce plan de 23°26.
-3- Lire les incroyables tribulations de cette monnaie sur notre page La monnaie d'or dite de Pythéas.
-4- Lire plus bas le rapport détaillé de cette intéressante découverte publié par Jean
Bousquet, Directeur Régional des Antiquités Historiques, en 1961 dans les Annales de Bretagne,
vol.68, n°68-1, pp.25-39. L'auteur en déduit que l'un des navires de Pythéas aurait pu
sombrer non loin de l'Aber Benoît, dans des fonds ne dépassant pas 30 m.
La même année, J.B. Colbert de Beaulieu, numismate, et P.R. Giot,
préhistorien, publièrent à leur tour un article concernant cette découverte
protohistorique dans le Bulletin de la Société Préhistorique de France, vol.58, n°5-6, pp.324-331. Article
-5- Les Cassitérides : appellation globale pour
désigner les Sorlingues ( îles Scilly ) et la Cornouaille britannique
où l'on extrayait du sol, comme chez nous à St-Renan, la cassitérite, minerai d'étain.
Cette notice a été écrite d'après Hugues Journès: Le voyage de
Pythéas 300 ans avant J.C. in revue Cap Caval n°24, Pont-l'Abbé, septembre 1999.
Georges Tanneau
EN SAVOIR PLUS
Sur internet, voir un site très complet sur Pythéas :
Pythéas de Marseille
En 1961, L'Académie des Inscriptions et Belles Lettres a publié dans le compte-rendu ci-dessous de ses séances de 1960 :
Cliquez sur l'image
En pp. 317-323 : Un statère d'or de Cyrène sur la côte du Finistère
par Jean Bousquet, Directeur des Antiquités Historiques de Bretagne
En mars 1961, Les Annales de Bretagne ont, elles aussi, publié cette découverte :
Cliquez sur l'image
En pp. 25-39 : Une monnaie d'or de Cyrène sur la côte nord de l'Armorique
par Jean Bousquet, Directeur des Antiquités Historiques de Bretagne
Malgré la découverte du statère d'or, le périple de Pythéas souffre toujours des critiques de Strabon et reste encore méconnu. Tout en proposant des itinéraires différents, de nombreux auteurs ont pourtant tenté de réhabiliter la mémoire du navigateur massaliote.
par Dietrich STICHTENOTH, Hermann Böhlaus Nachf. Weimar,1959.
La Nerthe 2000
Un ouvrage relié exceptionnel, abondamment illustré de merveilleuses aquarelles, qui réhabilite complètement le navigateur marseillais grâce à des explications scientifiques très détaillées.
On regrette seulement que cet ouvrage actuellement épuisé n'ait jamais été réédité.
A saisir si par bonheur on le trouve d'occasion.
Sur internet, voir le site d'Yvon Georgelin, astrophysicien de renommée mondiale et co-auteur de cet ouvrage :
Regards sur l'astronomie
France Empire 1974
Hachette 1999
Autrement 2003
Walker & Co
Vuibert 2008
Skol Vreizh 2013
Les Belles Lettres 2024
Ce dernier ouvrage, très récent, a le mérite de présenter au lecteur, traduits en français, les 38 fragments de textes grecs et latins citant Pythéas ou se référant à son œuvre.
Ce sont les seuls témoignages antiques que nous ayons conservés concernant l'astronome-explorateur.
***
Les Massaliotes se dirigèrent ensuite vers les Cassitérides5. Le navigateur mentionne aussi plus à l'est une île que les indigènes nommaient Victis, peut-être l'île de Wight, et une zone aux rivages abrupts appelée Kantion, nom approximatif encore porté par le comté de Kent. Faisant de nombreuses escales, il finit par reconnaître par observations et déductions la forme triangulaire de cette terre nouvelle à laquelle il donna le nom de Prettaniké ou Brettaniké, la terre des Brittons. Les habitants, écrit-il, sont des gens simples qui vivent frugalement dans des cabanes de roseaux et de bois. Et il ajoute : Ce sont de bons guerriers qui combattent sur des chars comme les héros de la guerre de Troie.
Il n'oublie pas de signaler le phénomène des marées, surtout celles qu'il découvrira sur les rivages de l'Ecosse et du cap Orkas ( Orcades ) et les comparera aux marées beaucoup plus faibles de la Méditerranée.
La suite de son périple amènera le navigateur vers Thath ou Thulé, à six jours de navigation de la Bretagne ( Grande-Bretagne), en direction du nord précisèrent Strabon et Pline en le citant. A quoi correspondait Thulé ? Aux Shetlands ? Aux Féroé ? à l'Islande ? Ou bien à toutes ces régions y compris la côte norvégienne ? Pendant longtemps Thulé constituera l'extrême limite nord du monde connu : l'Ultima Thulé. Aujourd'hui encore, en gaélique, langue celtique d'Irlande, on prononce Tuath ou Toua pour désigner le grand nord.
D'après Le voyage de Pythéas 300 ans avant J.C., revue Cap Caval n°24
Certains historiens pensent que le retour d'Islande
s'est effectué non pas le long des côtes scandinaves
mais entre les îles britanniques avant l'exploration de la mer Baltique.
Ils s'appuient sur le fait que sans en avoir fait le tour, Pythéas n'aurait jamais pu se rendre compte que l'île de Grande-Bretagne avait une forme triangulaire.
Les Barbares nous montraient l'horizon où le soleil disparaît pour regagner sa couche, raconte Pythéas en évoquant les nuits des hivers boréaux, ainsi que le recopie Geminus de Rhodes au premier siècle avant notre ère. Beaucoup plus tard, Cosmas d'Alexandrie rapporte : Pythéas dit qu'étant arrivé dans les parages d'extrême nord, les indigènes lui indiquaient l'endroit qui était pour eux le point d'origine des longues nuits.
Lorsque le navigateur déclare que la mer glaciale ( la mer figée, traduira Pline ) se trouve à un seul jour de navigation de Thulé, c'est probablement de l'Islande et de la banquise qui commence au nord de cette île qu'il veut parler, et ce qu'il nomma le poumon marin devait être les plaques de glace en cours de formation qu'il comparait à des bancs de méduses.
Le cercle polaire dépassé, Pythéas revint vers le sud et pénétra dans la mer Baltique. En face de la Scythie ( pays des Scythes ou le nord de l'Europe ), explique encore Pline, il aborda une île où le flot rejette de l'ambre en abondance sur les plages. Il doit s'agir de l'île qui de nos jours se nomme Samland, dans les parages de Kaliningrad. Strabon n'admet pas que Pythéas ait reconnu tant de terres nouvelles et surtout les rivages de la Baltique. Personne n'a encore dépassé l'embouchure de l'Elbe, affirme-t-il dans l'un de ses écrits, pas même les Romains. L'historien Claude Nicolet rappelle que, sous Auguste, la flotte romaine atteignit le promontoire des Cimbres ( la pointe du Jutland ), mais dut ensuite rebrousser chemin. Omission pieuse de la part de Strabon plutôt qu'ignorance, déclara alors l'historien.
L'histoire de Pythéas présente d'émouvantes lacunes écrit le poète marseillais Louis Brauquier. On peut imaginer toutes sortes de fins à son périple. Marseille se montra-t-elle ingrate envers son héros ? Reprit-elle la mer pour de nouvelles découvertes ? Le silence se fit pendant de longs siècles sur Pythéas dont tous les écrits avaient disparu, et puis la Renaissance italienne redécouvrit Strabon et, par lui, les exploits du premier explorateur polaire de l'histoire. A notre époque, tous les navigateurs, astronomes, historiens et géographes de la planète reconnaissent désormais l'immense valeur de ce grand marin. Mais nous nous contenterons d'ajouter que Pythéas de Marseille, celui que Winston Churchill salua dans son livre The birth of Britain comme l'un des plus grands explorateurs de l'histoire, a bel et bien reconnu les côtes de notre belle région que nous aimons et que nous nommons le Finistère.
Aujourd'hui encore, après 23 siècles, Marseille n'a pas oublié Pythéas. Un collège et une rue parallèle à la Cannebière portent son nom, une statue et une stèle lui sont consacrées tandis que le récent Musée d'Histoire de la ville, édifié sur le site du port antique, évoque le célèbre navigateur massaliote.
-1- Le gnomon était constitué d'une tige verticale ou parallèle à l'axe des pôles,
fixée sur une surface plane. Il servait entre autres à mesurer
les hauteurs du soleil et à marquer le temps.
-2- L'écliptique est le plan dans lequel la Terre
se déplace dans l'espace. L'axe de rotation de la Terre est incliné par
rapport à ce plan de 23°26.
-3- Lire les incroyables tribulations de cette monnaie sur notre page La monnaie d'or dite de Pythéas.
-4- Lire plus bas le rapport détaillé de cette intéressante découverte publié par Jean
Bousquet, Directeur Régional des Antiquités Historiques, en 1961 dans les Annales de Bretagne,
vol.68, n°68-1, pp.25-39. L'auteur en déduit que l'un des navires de Pythéas aurait pu
sombrer non loin de l'Aber Benoît, dans des fonds ne dépassant pas 30 m.
La même année, J.B. Colbert de Beaulieu, numismate, et P.R. Giot,
préhistorien, publièrent à leur tour un article concernant cette découverte
protohistorique dans le Bulletin de la Société Préhistorique de France, vol.58, n°5-6, pp.324-331. Article
-5- Les Cassitérides : appellation globale pour
désigner les Sorlingues ( îles Scilly ) et la Cornouaille britannique
où l'on extrayait du sol, comme chez nous à St-Renan, la cassitérite, minerai d'étain.
Cette notice a été écrite d'après Hugues Journès: Le voyage de
Pythéas 300 ans avant J.C. in revue Cap Caval n°24, Pont-l'Abbé, septembre 1999.
Georges Tanneau
EN SAVOIR PLUS
Sur internet, voir un site très complet sur Pythéas :
Pythéas de Marseille
En 1961, L'Académie des Inscriptions et Belles Lettres a publié dans le compte-rendu ci-dessous de ses séances de 1960 :
Cliquez sur l'image
En pp. 317-323 : Un statère d'or de Cyrène sur la côte du Finistère
par Jean Bousquet, Directeur des Antiquités Historiques de Bretagne
En mars 1961, Les Annales de Bretagne ont, elles aussi, publié cette découverte :
Cliquez sur l'image
En pp. 25-39 : Une monnaie d'or de Cyrène sur la côte nord de l'Armorique
par Jean Bousquet, Directeur des Antiquités Historiques de Bretagne
Malgré la découverte du statère d'or, le périple de Pythéas souffre toujours des critiques de Strabon et reste encore méconnu. Tout en proposant des itinéraires différents, de nombreux auteurs ont pourtant tenté de réhabiliter la mémoire du navigateur massaliote.
par Dietrich STICHTENOTH, Hermann Böhlaus Nachf. Weimar,1959.
La Nerthe 2000
Un ouvrage relié exceptionnel, abondamment illustré de merveilleuses aquarelles, qui réhabilite complètement le navigateur marseillais grâce à des explications scientifiques très détaillées.
On regrette seulement que cet ouvrage actuellement épuisé n'ait jamais été réédité.
A saisir si par bonheur on le trouve d'occasion.
Sur internet, voir le site d'Yvon Georgelin, astrophysicien de renommée mondiale et co-auteur de cet ouvrage :
Regards sur l'astronomie
France Empire 1974
Hachette 1999
Autrement 2003
Walker & Co
Vuibert 2008
Skol Vreizh 2013
Les Belles Lettres 2024
Ce dernier ouvrage, très récent, a le mérite de présenter au lecteur, traduits en français, les 38 fragments de textes grecs et latins citant Pythéas ou se référant à son œuvre.
Ce sont les seuls témoignages antiques que nous ayons conservés concernant l'astronome-explorateur.
***
-2- L'écliptique est le plan dans lequel la Terre se déplace dans l'espace. L'axe de rotation de la Terre est incliné par rapport à ce plan de 23°26.
-3- Lire les incroyables tribulations de cette monnaie sur notre page La monnaie d'or dite de Pythéas.
-4- Lire plus bas le rapport détaillé de cette intéressante découverte publié par Jean Bousquet, Directeur Régional des Antiquités Historiques, en 1961 dans les Annales de Bretagne, vol.68, n°68-1, pp.25-39. L'auteur en déduit que l'un des navires de Pythéas aurait pu sombrer non loin de l'Aber Benoît, dans des fonds ne dépassant pas 30 m.
La même année, J.B. Colbert de Beaulieu, numismate, et P.R. Giot, préhistorien, publièrent à leur tour un article concernant cette découverte protohistorique dans le Bulletin de la Société Préhistorique de France, vol.58, n°5-6, pp.324-331. Article
-5- Les Cassitérides : appellation globale pour désigner les Sorlingues ( îles Scilly ) et la Cornouaille britannique où l'on extrayait du sol, comme chez nous à St-Renan, la cassitérite, minerai d'étain.
Cette notice a été écrite d'après Hugues Journès: Le voyage de Pythéas 300 ans avant J.C. in revue Cap Caval n°24, Pont-l'Abbé, septembre 1999.
Georges Tanneau
Sur internet, voir un site très complet sur Pythéas :
Pythéas de Marseille
Cliquez sur l'image
En pp. 317-323 : Un statère d'or de Cyrène sur la côte du Finistère
par Jean Bousquet, Directeur des Antiquités Historiques de Bretagne
En mars 1961, Les Annales de Bretagne ont, elles aussi, publié cette découverte :
Cliquez sur l'image
En pp. 25-39 : Une monnaie d'or de Cyrène sur la côte nord de l'Armorique
par Jean Bousquet, Directeur des Antiquités Historiques de Bretagne
par Dietrich STICHTENOTH, Hermann Böhlaus Nachf. Weimar,1959.
La Nerthe 2000
Un ouvrage relié exceptionnel, abondamment illustré de merveilleuses aquarelles, qui réhabilite complètement le navigateur marseillais grâce à des explications scientifiques très détaillées.
On regrette seulement que cet ouvrage actuellement épuisé n'ait jamais été réédité.
A saisir si par bonheur on le trouve d'occasion.
Sur internet, voir le site d'Yvon Georgelin, astrophysicien de renommée mondiale et co-auteur de cet ouvrage :
Regards sur l'astronomie
France Empire 1974
Hachette 1999
Autrement 2003
Walker & Co
Vuibert 2008
Skol Vreizh 2013
Les Belles Lettres 2024
Ce dernier ouvrage, très récent, a le mérite de présenter au lecteur, traduits en français, les 38 fragments de textes grecs et latins citant Pythéas ou se référant à son œuvre. Ce sont les seuls témoignages antiques que nous ayons conservés concernant l'astronome-explorateur.