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Mégalithes du Pays d'Iroise 1

Une extraordinaire diversité


   Le Pays d'Iroise est exceptionnellement riche en mégalithes de toutes sortes. Quantité, variété et taille sont impressionnantes. Le plus haut menhir d'Europe est celui de Kerloas sur la commune de Plouarzel. Un gratte-ciel préhistorique !
   Ces monuments ont été érigés au Néolithique par les premiers agriculteurs de notre pays, entre 5000 et 2000 avant notre ère. 2 Le Néolithique, que l'on appelait au XIXe siècle l'âge de la pierre polie, est la période la plus importante de l'histoire humaine. Pour ce qui concerne l'Europe, elle correspond à la colonisation progressive du continent par une population et des techniques originaires du Moyen Orient. La situation géographique de la Bretagne explique sa néolithisation tardive.




Source : F. Giligny, in Jean-Paul Demoule :
La Révolution néolithique en France
Ed. La Découverte, 2007.


Les plus anciens mégalithes armoricains sont donc contemporains de la construction des pyramides d'Egypte. A cette époque, le niveau de la mer se trouvait plus bas qu'aujourd'hui. 3 Il est donc probable qu'une quantité de mégalithes dorment encore sous les eaux de la mer d'Iroise.

Des rescapés de la préhistoire

  Les dolmens, allées couvertes et menhirs, sont loin d'être également répartis sur le territoire des 19 communes du pays d'Iroise, du moins ceux qui subsistent encore après soixante siècles d'existence ! Un inventaire réalisé en 2009 en identifiait 305. C'est beaucoup, direz-vous ? Certes, mais au cours de ces six millénaires, et particulièrement dans le courant du XXe siècle, l'homme s'est ingénié à les faire disparaître. La commune qui en a compté le plus est Le Conquet, avec 103 mégalithes identifiés. Six seulement sont encore visibles dans la partie continentale de son territoire, la plupart de ceux situés sur les îles sont encore épargnés.
En général, mais il y a des exceptions notoires, les mégalithes encore en place sont plus nombreux dans les communes maritimes que dans celles qui sont éloignées de la mer. On est donc tenté de penser que dans les communes agricoles, les cultivateurs ont dû, tout au long de notre histoire, les faire disparaître de leurs champs. Le remembrement et l'essor de l'urbanisation ne sont pas étrangers, non plus, à cette disparition, alors que se développaient parallèlement des moyens mécaniques toujours plus performants permettant de déplacer aisément de grosses et lourdes charges.
On a souvent aussi attribué ces destructions à un intégrisme religieux, qui a particulièrement sévi à partir du Conquet à l'époque du R.P. Dom Michel Le Nobletz, en application des consignes de plusieurs conciles successifs. Certaines destructions ont certainement eu lieu, mais beaucoup d'interventions ont également consisté en une christianisation des monuments qui les a finalement conservés.

Des monuments encore énigmatiques

   Ce que l'on voit aujourd'hui des mégalithes n'est qu'une ruine de monuments beaucoup plus importants. On sait, car certains sont encore assez bien conservés comme celui de l'île Carn à Ploudalmézeau, que les dolmens étaient des sépultures protégées par des murets et recouvertes d'un tumulus très important formé de pierres et de terre. 4 Les pierres ont été régulièrement pillées pour construire des habitations et il ne subsiste le plus souvent qu'un squelette de grosses dalles.

On ne sait pas grand chose des menhirs qui ont pu être érigés tels qu'on les voit aujourd'hui, mais qui ont pu aussi être intégrés à des constructions de bois aujourd'hui disparues.
Ce qui est sûr, c'est que tous ces mégalithes avaient une fonction très importante aux yeux de leurs constructeurs : on ne s'amuse pas à détacher, à tailler, à déplacer souvent sur plusieurs kilomètres, puis à dresser un bloc dépassant 100 tonnes, comme celui de Kerloas, par simple plaisir. Etaient-ils l'expression d'une croyance particulière ? Servaient-ils à baliser un territoire ? A signaler des eaux souterraines ? De multiples hypothèses ont été émises à leur sujet, certaines plus ou moins farfelues d'ailleurs, et aucune n'a encore été absolument confirmée. Il n'est pas à exclure non plus que selon le type de pierre, la taille, le façonnage éventuel, l'époque et la population qui les érigeait, ils pouvaient avoir des fonctions différentes.
   Il faut aussi se méfier des néomégalithes que certains ont élevés dans leur jardin afin d'attirer l'attention sur leur propriété comme s'il s'agissait de panneaux publicitaires. Vrais menhirs déplacés, faux menhirs et faux dolmens sont l'expression d'une mode qui n'est plus très originale et qui peut dérouter le visiteur non averti.


Faux dolmen et faux menhirs
au hameau de Castel ar Bic en Porspoder
érigés dans une propriété privée en 1994.


  Les véritables mégalithes ne sont pas spécifiques à la Bretagne. On en trouve un peu partout en France et en Europe, mais c'est bien en Bretagne qu'ils sont les plus nombreux. Ils méritent non seulement d'être protégés, mais aussi d'être étudiés davantage et surtout mis en valeur. Car après les grottes ornées, ce sont les plus anciens monuments de notre pays.
    Total respect !


Distribution des mégalithes en Europe
d'après une ancienne étude anglaise
Musée de la Préhistoire de Penmarc'h, Finistère


  1 - Les dolmens et les menhirs présentés dans ce site ont été choisis non seulement pour leur intéret, mais aussi en fonction de leur accessibilité : beaucoup de mégalithes, en effet, situés aujourd'hui dans des propriétés privées, ne sont pas visibles depuis les routes et les chemins. De même, ceux situés au large dans les îles sont difficilement accessibles. Il est donc inutile d'y adresser des visiteurs, d'autant que leur afflux et leur éventuelle introduction dans des parcelles privées peuvent, encore de nos jours, pousser certains propriétaires à de nouvelles destructions.

    On ne saurait donc trop insister sur cette consigne : on respecte les cultures ainsi que les élevages, on n'entre pas dans les parcelles clôturées, on utilise le zoom pour faire des photos de loin.

  2 - Voir l'intéressante étude de l'archéologue suédoise Bettina Schulz Paulsson, de l'université de Göteborg. Selon elle, le mégalithisme européen trouverait son origine en Bretagne et aurait été diffusé par un peuple de chasseurs-cueilleurs maîtrisant déjà la navigation sur l'océan.
https://www.courrierinternational.com/article/archeologie-les-megalithes-deurope-seraient-tous-issus-dune-meme-civilisation

  3 - Lorsque s'est achevée la dernière glaciation, vers - 20 000 ans, le niveau des mers était environ à 120 m au-dessous du niveau actuel. La fonte progressive des glaciers continentaux a entraîné sa remontée. Au début du néolithique armoricain, il n'était qu'à une dizaine de mètres sous le niveau actuel. L'archipel de Molène était alors une longue presqu'île rattachée à St-Mathieu. Vers - 4200, la mer a commencé à former des îles en isolant les points les plus élevés de cette petite péninsule.

  4 - Ces sépultures devaient être des tombes de personnages importants car elles renferment les restes de très peu d'individus. Leur architecture grandiose traduit, comme en Egypte, l'existence d'un pouvoir politique ou religieux important et une société hiérarchisée. A la différence des peuples nomades de chasseurs-cueilleurs qui les ont précédées, ces populations agricoles n'ont pas seulement bouleversé le paysage. Elles ont aussi façonné notre société actuelle. Elevage et agriculture = sédentarisation, appropriation et défense du territoire. Défense = guerres et conquêtes, prééminence militaire, enrichissement de personnages privilégiés. Du point de vue social et politique, nous n'avons pas quitté la civilisation néolithique.

Yannick Loukianoff

EN SAVOIR PLUS


On trouvera dans ce numéro hors série n°32 des Dossiers de l'Archéologie paru en juin 2017 d'intéressants articles sur le mégalithisme en Bretagne qui font le point sur l'état de nos connaissances actuelles.



  Sur le Néolithique, rien ne vaut le savoir d'un archéologue spécialisé dans cette période cruciale de l'histoire de notre planète. Jean-Paul Demoule est professeur de protohistoire et a présidé l'Institut National de Recherches Archéologiques Préventives. Ses deux ouvrages ci-dessous brossent l'état de nos connaissances actuelles sur le Néolithique en France et dans le monde.

     
    Ed. Le Pommier, 2013                    Ed. Fayard / Pluriel, 2019

  Mais ces vieilles pierres suscitent aussi chez certains un intérêt différent, celui que portent sur eux les artistes. Jean-Yves André est de ceux-là. Pendant tout l'hiver 2014-2015, il a parcouru la campagne du Léon et défriché les broussailles afin de dessiner dolmens et menhirs plus ou moins oubliés. Quelques-uns de ses dessins figurent d'ailleurs dans les pages de ce site. Il en a réalisé un ouvrage paru en mai 2015, que le lecteur prendra plaisir à feuilleter car il révèle sur ces monuments un regard insoupçonné, à la fois rare, précis, et plein de sensibilité.


Ed. Aval Ruz, 2015

   Les personnes désirant un inventaire complet de tous les monuments mégalithiques de la région sont invitées à se procurer l'ouvrage ci-dessous de Yohann Sparfel et Yvan Pailler   Les mégalithes de l'arrondissement de Brest .  Cette publication remarquable a constamment servi de base à notre travail.


Ed. Centre Régional d'Archéologie d'Alet
et Institut Culturel de Bretagne. 2009.
En couverture, le grand menhir de l'île Melon,
aujourd'hui détruit, à Porspoder.


  Les mêmes auteurs avaient déjà réalisé en 2003 une étude très complète de 264 pages sur le patrimoine archéologique de la commune de Porspoder :


Yohann SPARFEL et Yvan PAILLER :
Porspoder, Inventaire du patrimoine archéologique
du Paléolithique au Moyen-Age.

Ed. Commune de Porspoder, novembre 2003.
En couverture, les menhirs de Traonigou
en 1902 par Etienne MOREL.


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Imprimez l'itinéraire ci-dessous pour aller découvrir
8 sites mégalihiques du Pays d'Iroise :


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Recto


Verso

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