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La chapelle Notre-Dame du Val

( Commune de Trébabu )

Ouverture de la chapelle tous les mercredis après-midi de 15h à 18h
et ouverture possible à d'autres dates sur demande
(02.98.89.48.38)


Rails de plan incliné disponibles

GPS : 48°22'41.2 N  4°43'56.9 W





Accès: A partir du Conquet, prendre la D67 en direction de St-Renan et 1 km après le carrefour, tourner à gauche vers Trébabu. Traverser ce joli petit bourg et continuer sur la même route puis tourner à gauche. On arrive à la chapelle. Stationner en bas de la côte.



  Le portail est surmonté d'une accolade en pierre de kersanton qui fait penser à une construction du bâtiment remontant au XVIe siècle. Cette jolie petite chapelle, nichée sur la pente du vallon de Kerléo à la végétation luxuriante, mérite d'être mieux connue. De plan strictement rectangulaire, elle ne bénéficie que de l'ajout, au fond à gauche, d'un petit bâtiment recevant la sacristie. Son clocher-mur d'allure provençale attire le regard. Il comporte deux arcades destinées à recevoir les cloches mais une seule est occupée. Quelques marches disposées sur le rampant du mur permettent d'y accéder. Debout dans une niche surplombant l'entrée, Notre Dame de Bon Secours surveille les visiteurs.

  Sur le côté gauche du bâtiment, on remarque qu'un bassin fait l'objet d'un aménagement et des marches permettent de descendre y puiser de l'eau.





  Regardez bien, le bassin ne comporte aucune arrivée d'eau visible. Or il est cependant constamment plein. Il est donc alimenté par une source coulant sous la chapelle.
On dit d'ailleurs que cette eau miraculeuse guérirait les enfants souffrant de bégaiement ou d'autres problèmes d'élocution. Le mur de la chapelle au-dessus du bassin est orné d'une énigmatique statuette en pierre, représentant un moine ou un pélerin appuyé sur un bâton. La tête de la statuette a disparu assez récemment.



Il n'est pas impossible que cette source ainsi que ses vertus présumées remontent à l'époque gauloise et qu'elle ait été ensuite christianisée par la construction d'un monument religieux. En effet, la commune de Trébabu doit son nom à Saint Pabu, appellation familière ( pabu = pape ) pour Saint Tugdual qui, venant du Pays de Galles, aurait débarqué au Ve siècle sur la plage de Porzh Pabu, dans la presqu'île de Kermorvan. Accompagné de 72 disciples, il aurait fondé un ermitage à Trébabu et bien qu'aucune trace n'en subsiste, il est bien possible que l'emplacement de celui-ci ait été choisi à proximité de cette source. La statuette représenterait-elle le saint ?

Un peu plus loin, sur le même mur nord, on aperçoit un très vieux pennon en pierre de kersanton scellé au-dessus de la porte latérale.





Très érodé et recouvert de lichen, ayant depuis longtemps perdu toutes ses couleurs, il représente le timbre des seigneurs de Kermorvan et mérite d'être examiné de plus près.
  On y distingue une croix ancrée soutenue par deux lions. Elle est surmontée d'un casque proéminent au-dessus duquel trône une tête d'aigle tournée vers sa droite.
De chaque côté du casque pendent des lambrequins, ces morceaux de tissu qui protégeaient le cou des chevaliers en armure.
L'intérêt de cette sculpture réside précisément dans ces lambrequins. Chacun d'eux est en effet orné d'un blason afin de représenter une alliance généalogique avec une autre seigneurie :

  - Le plus ancien mariage, représenté à gauche repère 3 ci-dessous, est celui d'Yvon de Kermorvan avec Azénore de Kergroadez à la fin du XIVe siècle.
  - A droite, repère 2, est représentée l'alliance de leur fils Robert de Kermorvan avec Marguerite An Ormant du Rouazle entre 1410 et 1415.
  - En haut à gauche, repère 1, les hermines très grossies représentent le mariage vers 1430-1435 de leur fils Yvon de Kermorvan, encore un Yvon, avec une dame Du Chastel de Lezerivy dont nous ignorons le prénom.
  - Enfin à droite, repère 4, un troisième Yvon de Kermorvan, fils des époux précédents et commanditaire de cette œuvre, s'est marié vers 1450-1455 avec N. Guiomar de La Petite Palue.
  - La croix ancrée du repère 5, qui se retrouve dans toute la chapelle, rappelle l'appartenance de l'édifice à la seigneurie de Kermorvan.




© Michel Mauguin : La chapelle ND du Val à Trébabu

Cette pierre en kersanton, aujourd'hui grisâtre et à peine lisible, était à la fois splendide et imposante lorsqu'elle était peinte de vives couleurs.





Le généalogiste Michel Mauguin, à qui l'on doit cette remarquable restitution et qui a réalisé une étude héraldique approfondie de toute la commune de Trébabu, met celle-ci à la disposition des internautes en bas de cette page.

Pénétrons maintenant à l'intérieur de l'édifice.



Le grand vitrail situé derrière l'autel comporte dans sa partie supérieure une série de quatre mouchettes trilobées peu communes.
Le sol est couvert de longues dalles de schiste provenant des anciennes carrières côtières du Conquet. Quelques-unes de ces dalles pourraient être des pierres tombales. La voûte en berceau a été repeinte en 2004. Mais examinons les murs :



Arcades néo-gothiques et demi-colonnes laissent à penser qu'une travée supplémentaire aurait pu être ajoutée autrefois de chaque côté du bâtiment. A l'extérieur, on n'en voit cependant aucune trace. Seuls des contreforts ont été édifiés derrière les colonnes. A moins qu'il ne s'agisse que d'un ornement architectural destiné à rompre l'uniformité des murs, il est possible que cet agrandissement du bâtiment, prévu dès la construction, n'ait jamais vu le jour.

  Dehors, comme à l'intérieur de la chapelle, on retrouve un peu partout sur les parois, sculptée dans la pierre, la croix ancrée des armoiries des seigneurs de Kermorvan, anciens propriétaires d'un vaste domaine englobant la chapelle, et dont le château est voisin de l'église du bourg.


Croix ancrée ornant le bénitier. Photo Béatrice Darmangeat

  On retrouve aussi cette croix ancrée à l'intérieur, à gauche de l'entrée. Tenue par deux lions, elle figure sous un heaume encadré de deux rapaces.
  On remarque encore, sortant du mur, une tête sculptée dans la pierre et placée très en hauteur, à droite de l'entrée.




  Cette sculpture ne manque pas d'étonner : juchée sur un long cou, la tête, très allongée vers l'arrière, présente une coiffure soignée. Une cavité a été creusée sur le sommet, faisant penser qu'elle a pu servir comme support d'un cierge que l'allongement du crâne aurait pour effet de tenir à bonne distance du mur.
Près de l'autel, une autre tête sculptée surmonte une niche dans le mur de droite. Son visage semble porter un bouc.

Figue et fugue :

    Tout près, une très jolie statue en bois polychrome du XVIe siècle attire le regard. C'est sans conteste l'attraction de la chapelle. Elle représente la Vierge portant l'enfant Jésus sur le bras droit, et non à sa gauche comme il est de coutume. Alors que son visage est sérieux, celui de l'enfant semble un peu espiègle. Son bras gauche appuie sur le cou de sa mère, comme pour l'éloigner, et il tend le bras droit afin d'attaper la figue qu'elle tient dans sa main gauche. Cette Vierge à la figue n'est pas unique mais elle est rare et peu connue. En Bretagne on la trouve aussi à Berrien, Plougonven, Lampaul-Guimiliau et Spéret. La figue est peut-être un symbole de virginité puisqu'à l'état sauvage, la fleur ne peut être pollinisée que par un insecte précis, le blastophage.

Photos Béatrice Darmangeat

  On peut lire sur le socle : I varia an traon. Cette précieuse statue qui était autrefois exposée dans un haut présentoir en bois sculpté est solidement scellée dans le mur depuis 2005. En effet, chacun a encore en mémoire à Trébabu le vol dont elle avait fait l'objet en 1977 et son retour 28 ans plus tard. Une incroyable fugue dont voici les détails.

   Chaque année, traditionnellement le jour de l'Assomption, le pardon de Notre-Dame du Val était célébré. Après une grand-messe solennelle en soirée, une procession se rendait à la lueur des flambeaux par des chemins forestiers depuis la chapelle jusqu'au grand calvaire de Kermorvan situé aux portes du château. Parmi les bannières, la statue de la Vierge à l'Enfant, portée par plusieurs paroissiens, accompagnait les fidèles.
En 1976, au cours d'un été bien ensoleillé et particulièrement chaud, le pardon fut annulé à cause de l'orage.
Cette privation de grande sortie mécontenta-t-elle la vénérable pensionnaire des lieux ? Toujours est-il que quelques mois plus tard, elle avait disparu ! Au pardon de 1977, la tristesse des fidèles faisait peine à voir.




  Et ainsi pendant de longues années, Notre-Dame du Val fut absente de sa chapelle.

  Dans le département du Var, à deux pas de Toulon, la petite ville de Solliès-Pont est la capitale de la figue. Les trois-quarts de la production française proviennent de la région. Une figue ferme, en appellation d'origine contrôlée, d'excellente qualité. La fête de la figue, événement majeur de l'année, y a lieu tous les ans à la fin du mois d'août.


Eglise de Solliès-Pont (Var) : Arrière de l'autel. Photo Y.L.

  Un jour de 2004, deux prêtres de Solliès-Pont découvrent auprès de l'autel de l'église un objet qui y a été déposé. C'est la statue en bois polychrome d'une Vierge à la figue qui leur est inconnue. Mais ils sont habitués aux dépôts anonymes de reliques et d'objets sacrés. Il faudra attendre plusieurs mois pour que, par hasard, en enquêtant sur le vol d'un tabernacle, les gendarmes soient mis au courant de cette découverte. Des photos sont prises et diffusées dans toutes les brigades de France. Le socle qui porte les mots « I varia an traon » intrigue. Mais à Quimper, un gendarme bretonnant comprend immédiatement : I varia, est mis pour Itron-varia, mot à mot « Dame Marie » en breton, donc Notre-Dame. An traon, c'est le val. Notre-Dame du Val, il connaît, c'est le nom de la chapelle de Trébabu, près du Conquet, dans le Finistère.
C'est donc ainsi que la Vierge fugueuse, après une absence de 28 ans, a pu regagner sa demeure.
L'enquête n'a jamais permis de connaître ni l'auteur, ni les raisons de ce curieux rapt. Mais il est probable que cette respectable Itron Varia ait été vendue sur un marché clandestin d'objets d'art, puis restituée par un collectionneur repenti ou un honnête héritier dans la seule église de France où la présence d'une figue sculptée semblait aller de soi.
Avant son retour, la Vierge a toutefois subi une remarquable restauration co-financée par la commune et le département, et destinée à effacer autant les traces de ses voyages que les outrages que lui avaient infligés le temps et les différents lieux où elle avait dû être entreposée.


Photo Gilbert Le Goël, restaurateur d'art

Et comme, en 2005, coïncidence étrange, la chapelle Notre-Dame du Val venait tout juste d'être restaurée elle aussi, il ne fait aucun doute que la Vierge à la figue avait décidé de revenir, toute pimpante et rajeunie, afin d'étrenner les habits neufs de son vieux domicile.

Yannick Loukianoff




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Documentation aimablement fournie par M. Dominique Buhot, Président de l'association « Eglises et chapelles du Pays d'Iroise », qui organise les animations estivales.
Sources :
- Michel Mauguin : "Trébabu, son patrimoine héraldique oublié".


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Et si vous avez besoin de vous initier aux termes de l'héraldique, parcourez cette petite brochure du même auteur :


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- Yves-Pascal Castel : "Trébabu, chapelle Notre-Dame du Traon".
- Yves-Pascal Castel & André Tanguy : "Chapelle du Traon.   Retrouvailles de la statue de Notre-Dame du Val, une "Vierge à la figue" du XVIe siècle.
- Gilbet Le Goël : " Rapport de restauration, Vierge à l'enfant, Trébabu". 2006.


Des animations sont prévues chaque année dans la chapelle : expositions, concerts et chants. Voir sur ce site la rubrique Fêtes et animations .


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